Thaïlande: des mines birmanes accusées de polluer les rivières

Chiang Rai (Thaïlande), 11 juin 2025 (AFP) – Les mines birmanes, toujours plus nombreuses dans le contexte de la guerre civile, sont soupçonnées de polluer les rivières thaïlandaises, mais dans le Triangle d’or, une région à la réputation trouble, les solutions sont difficiles à mettre en place.

Depuis le coup d’Etat de février 2021, des dizaines de sites d’extraction ont émergé des collines de l’Etat Shan (nord-est), dans un territoire contrôlé par l’Armée unie de l’Etat Wa (UWSA), l’une des plus grandes armées non-étatiques du monde.

Quelques kilomètres plus loin, en Thaïlande, des habitants et des responsables politiques ont constaté ces dernières semaines des niveaux anormaux de pollution dans leurs rivières, qu’ils ont liés aux rejets toxiques des mines du pays voisin.

Sawat Kaewdam s’est résolu à vendre sa prise pour environ moitié moins que sa valeur normale.

Les clients « disent: +Il y a de l’arsenic. Je ne veux pas manger ce poisson+ », explique à l’AFP ce pêcheur de 50 ans, qui réclame une solution « à la source ».

Dans la région, le taux d’arsenic a atteint jusqu’à 49 microgrammes par litre, soit près de cinq fois le seuil maximal recommandé par l’Organisation mondial de la santé (OMS) de 10 mcg/L, selon les autorités sanitaires.

Les inquiétudes se concentrent autour de la rivière Kok, qui prend sa source en Birmanie, avant de traverser les provinces thaïlandaises de Chiang Mai et de Chiang Rai, populaires auprès des touristes, puis de se jeter dans le Mékong au niveau du Triangle d’or.

Les spécialistes interrogés par l’AFP estiment que les personnes qui s’alimentent régulièrement avec du poisson contaminé sont exposées à un risque cumulatif pour leur santé au bout de plusieurs années.

– Milice –

Des défenseurs de l’environnement ont accusé des mines situées en amont, en Birmanie, où la guerre civile facilite l’exploitation tous azimuts des ressources naturelles en dehors de tout cadre réglementaire, et complique tout dialogue au plus haut niveau.

Il s’agit du « cas le plus vaste de pollution transfrontalière », dénonce Pianporn Deetes, directrice de campagne pour l’ONG International Rivers.

Selon les experts, les mines sont dirigées par des entreprises chinoises qui entretiennent des liens étroits avec l’UWSA, elle-même proche de Pékin.

Il est difficile de savoir si les mines visent à extraire de l’or, des terres rares ou d’autres minerais, ainsi que d’évaluer l’ampleur du phénomène, dans cette région réputée pour ses trafics en tous genres.

Mais des vidéos publiées sur les réseaux sociaux chinois suggèrent que la majorité de ce qui est produit est vendu à des clients chinois.

La Chine a notamment importé de Birmanie cinq fois plus de terres rares sur les quatre dernières années que dans la période 2017-2021, a relevé mardi le groupe de réflexion ISP-Myanmar.

Dans la plupart des mines modernes, les eaux usées sont traitées dans des bassins de décantation qui permettent d’éliminer les impuretés, explique Tanapon Phenrat, professeur d’ingénierie civile à l’université Naresuan, en Thaïlande.

– « Agir maintenant » –

Mais en Birmanie, les rejets « seraient déversés dans les cours d’eau naturels », poursuit-il. « Ce que l’on veut pour les mines, c’est qu’elles traitent correctement les rejets et arrêtent de rejeter des substances toxiques dans des cours d’eau partagés. »

A Chiang Rai, ville tranquille sur les bords du Kok, des activistes se sont déguisés en poissons mutants – du fait de la pollution – au cours d’actions visant à alerter l’opinion.

Le gouvernement thaïlandais a proposé de construire un barrage qui empêcherait l’entrée des polluants dans le pays.

Mais pour Penchom Saetang, directrice de l’ONG EARTH Thailand, une telle solution est « impossible » à mettre en oeuvre avec succès.

La solution se situe au niveau politique, dans le cadre de discussions impliquant Bangkok, Naypyidaw et Pékin, estime-t-elle.

Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a assuré être en contacts avec les « parties concernées », dans une déclaration à l’AFP.

L’ambassade chinoise à Bangkok a rappelé aux entreprises chinoises installées à l’étranger « de respecter les lois du pays, et d’opérer de manière légale et ordonnée à tout moment », dans un post Facebook début juin.

Il n’est pas trop tard pour agir, affirme le professeur Tanapon Phenrat. « Les eaux peuvent encore être sauvées, mais c’est un signal clair. Nous devons agir maintenant », lance-t-il.

Articles connexes

Marseille : un armateur condamné pour mouillages interdits dans les calanques

Marseille, 12 juin 2025 (AFP) - Le tribunal maritime de Marseille a condamné jeudi un armateur propriétaire d'un catamaran transportant des touristes dans...

Taïwan: un capitaine chinois emprisonné pour avoir sectionné un câble sous-marin

Taipei, 12 juin 2025 (AFP) - Un capitaine de navire chinois a été condamné jeudi à trois ans de prison à Taïwan pour...

Sauvetage de migrants: la CEDH donne raison à l’Italie

Strasbourg, 12 juin 2025 (AFP) - La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a déclaré irrecevable jeudi une plainte de migrants qui...

Usine de carburants durables à Lacq: le projet avance et la contestation enfle

Pau, 12 juin 2025 (AFP) - Dans le bassin industriel de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), le projet de méga-usine de biocarburants porté par la PME...

L’Australie se dit « confiante » dans la poursuite de l’alliance Aukus malgré un réexamen américain

Sydney, 12 juin 2025 (AFP) - L'Australie s'est déclarée jeudi "très confiante" dans l'avenir l'alliance Aukus visant à équiper sa marine d'une flotte...

Le Japon dénonce des manoeuvres dangereuses d’avions militaires chinois

Tokyo, 12 juin 2025 (AFP) - Le Japon a affirmé jeudi avoir exprimé ses "vives préoccupations" auprès de Pékin, dénonçant des chasseurs chinois...

Plus de lecture

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.