Il est arrivé !

Crédit : Eric Chevreuil.

Naviget Bene Turbatum Mare (Il navigue bien sur les mers déchainées), telle est la devise du Polar Star (l’Etoile Polaire) également appelé the Star, the P Star, Cellule numéro 10, bâtiment 10 ou the Polar Roller.

Le USCGC Polar Star (WAGB-10) est le seul brise-glace lourd de la marine américaine (la Russie en a une cinquantaine). Il appartient aux Garde- côtes (UC Coast Guard Cutter : USCGC). Il a été mis en service le 17 janvier 1976 et aura 47 ans à McMurdo, en ce mois de janvier 2023. Construit par la Lookheed Shipbuilding and construction Company, il était révolutionnaire en son temps.

Ses trois hélices de cinq mètres de diamètre entrainées par une propulsion diesel-électrique composée de six moteurs de locomotives (3000 chevaux par moteur) et trois turbines à gaz de 25 000 chevaux chacune, déplacent les 13 000 tonnes de ce navire de 122 mètres de long et 25 de large. Il a un tirant d’eau de 10 mètres, une proue renforcée, une autonomie de 30 000 kilomètres à 30km/h. Il est manœuvré par un équipage de 18 officiers et de 127 marins et peut embarquer une équipe opérationnelle de 35 scientifiques.

Le Polar Star est le seul navire américain capable de briser la glace de la mer de Ross pour atteindre McMurdo, et tous les ans, c’est lui qui ouvre la route aux deux navires de ravitaillement Deep Freeze qui transportent jusqu’à la base tout ce qui lui est nécessaire pour une année d’autonomie, et ramènent sur le continent ses déchets et ses matières recyclables.

Je pensais que pour briser la glace, les navires utilisaient une proue renforcée et acérée, et allaient de l’avant. Le Polar Star peut briser près de deux mètres de glace à 6 km/h, mais en fait, sa force est de pouvoir briser jusqu’à six mètres de glace. Pour cela, grâce au profil de sa proue, il se propulse sur la glace, monte dessus et la brise tout simplement avec son poids. Il fait donc le trajet à travers la glace, entre la mer et la base de McMurdo, à grand coups de marches arrière et de marches avant qu’il répète sans arrêt jusqu’à son arrivée. Dès que le premier passage est fait, il retourne à l’ouvrage et passe quelques jours de plus en mer pour élargir le premier chenal et libérer la baie de McMurdo de sa gangue blanche afin d’offrir aux deux cargos la zone de manœuvre nécessaire a leurs opérations. Cette mission annuelle a été baptisée Deep Freeze. Le Star en a effectué 24. Son prédécesseur, le Glacier, 29.

Nous l’attendions tous avec impatience. La fin d’année « trainait ». Bien sûr il y a eu la coupure de Noël et du nouvel An et la traditionnelle célébration musicale du IceStock (référence au célèbre concert de Woodstock) qui a vu se succéder une douzaine de groupes sur scène de midi à minuit le 31 décembre. Country, Pop, Rock, Hard Rock…nos musiciens et chanteurs se sont préparés pendant deux mois pour cet évènement, profitant de la salle de musique de la base et de ses dizaines d’instruments allant de la guitare électrique au saxophone en passant par le violoncelle et les batteries. Comme je vous l’ai dit dans l’article précédent de ce blog, à défaut de musique ou de chansons, ma contribution s’est limitée à la confection et à la distribution de Chili. Mais surtout, pour mieux remplir mes journées et bien dormir, je me suis aussi attaqué à la « montagne de l’Observatoire » (Observation Hill, Ob Hill). Je l’ai montée et descendue tous les jours depuis le premier de l’An. Cela m’a permis de suivre la progression du P Star. Du haut des 230 mètres de ce qui est en fait un haut promontoire, le bateau n’était au début qu’un petit point noir sur la glace qui a grandi jour après jour. Après une journée statique en face de la base, entouré de glace et photographié par tous, certainement pour une pause bien méritée, le navire s’est remis en action. Du haut de Ob Hill, je pouvais entendre ses machines et le voir aller en avant et en arrière pour élargir son point d’arrivée initial.

Depuis que les scientifiques sont partis effectuer leurs recherches hors de McMurdo, ils nous parlent des colonies de phoques et de manchots en limite de la glace, et nous racontent les histoires d’orques épaulards et de baleines qu’ils voient en permanence, au plus près pour les orques qui chassent en groupe le long de la glace, et au loin pour les baleines qui se nourrissent de krills. Et depuis qu’ils nous envoient des photos, nous attendons avec impatience le brise-glace et la mer libre.  Nous ne pouvons pas aller voir ces oiseaux (manchots) et mammifères marins (baleines, orques) et c’est donc le Polar Star qui nous emmènera au plus près de la base, sous peu, quand son travail de forçat sera terminé !

Le séjour tire à sa fin et les premiers départs sont prévus mi-février. Le Covid, la météo, des problèmes d’avion ont limité le nombre de projets scientifiques menés pendant cet été austral 2022-2023. La saison sera donc écourtée. Il nous reste peu de temps pour profiter de la mer et de ce qu’elle va – je l’espère – nous offrir sous peu !

Le Polar Star n’est encore qu’un minuscule point sur l’horizon.

Marine & Oceans
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La revue trimestrielle MARINE & OCÉANS est éditée par la "Société Nouvelle des Éditions Marine et Océans". Elle a pour objectif de sensibiliser le grand public aux principaux enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile.   Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu'aux échanges. Les ressources qu'ils recèlent sont à l'origine de nouvelles ambitions et, peut-être demain, de nouvelles confrontations.

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