« Le compte à rebours est enclenché »

Les preuves scientifiques cumulées par les 270 auteurs principaux sont sans équivoque : le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Le dernier rapport fournit la meilleure compréhension à ce jour des impacts du changement climatique, des risques climatiques, des options dont nous disposons pour nous adapter et des limites auxquelles nous sommes confrontés. Il met l’accent sur les solutions, la justice sociale et l’équité, ainsi que sur le rôle de la transformation pour faire face aux menaces du changement climatique qui touche non seulement les écosystèmes et les personnes qui en dépendent, mais aussi les capacités de la nature, des communautés et des individus à s’adapter au changement climatique.

Extinctions d’espèces et pertes d’écosystèmes

Ce rapport montre les interconnexions entre le climat, la biodiversité, la société humaine et le bien-être pour relever les nombreux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Les risques climatiques dégradent la nature dont nous dépendons pour survivre et prospérer. Il pourrait y avoir des extinctions d’espèces et des pertes d’écosystèmes entiers tels que ceux actuellement présents au sommet des montagnes, dans les récifs coralliens tropicaux et les zones humides côtières. Le risque d’extinction dans les points chauds de la biodiversité est multiplié par 10 environ lorsque le réchauffement passe de 1,5 à 3 °C. Le changement climatique affecte aussi la vie et les moyens de subsistance de milliards de personnes. Les conséquences de l’intensification des cyclones tropicaux, de l’élévation du niveau de la mer et des fortes précipitations dues à l’activité humaine ont entraîné une augmentation des pertes et des dommages. 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des « points chauds » (hotspots) de la planète où la vulnérabilité au changement climatique est élevée, notamment en Afrique, ainsi qu’en Asie du Sud, en Amérique centrale et du Sud, dans les petites îles et dans l’Arctique.  Les effets sont amplifiés dans les villes où vit plus de la moitié de la population mondiale par les effets d’ilots de chaleur, affectant la pollution de l’air et la santé des populations. 

Une adaptation trop lente

Le rapport constate dans quelle mesure nous arrivons à nous adapter à un climat qui change vite. Il montre que les actions d’adaptation se sont multipliées, mais que les progrès sont inégaux et surtout que nous ne nous adaptons pas assez vite. Grâce à la sensibilisation croissante du public et des politiques aux incidences et aux risques climatiques, au moins 170 pays et de nombreuses villes ont inclus l’adaptation dans leurs politiques et leurs plans climatiques tels que la réduction des risques d’inondation, la prévention des pénuries d’eau, le renforcement des systèmes de santé pour réduire l’impact des maladies infectieuses et du stress thermique, la surveillance des maladies, les systèmes d’alerte précoce et l’amélioration de l’accès à l’eau potable, … . La sécurité alimentaire peut être améliorée en rendant le système alimentaire plus résilient, par exemple en adoptant des cultures et des élevages tolérants au stress, l’agroforesterie et la diversification des exploitations. Cependant, les écarts se creusent entre les mesures d’adaptation prises et les besoins d’adaptation. Ces écarts sont les plus importants parmi les populations à faible revenu et vont continuer à se creuser. Donc les possibilités d’adaptation à de nombreux risques climatiques risquent d’être limitées et de perdre de leur efficacité si le réchauffement de la planète dépasse 1,5 °C et que, dans de nombreux endroits, la capacité d’adaptation est déjà considérablement limitée.

Chaque action et chaque minute comptent

Des réductions rapides et importantes des émissions de gaz à effet de serre sont indispensables pour restaurer la nature et améliorer la société. Les organisations internationales pourraient mettre en place des cadres institutionnels, qui définissent des objectifs et des priorités claires ainsi que les responsabilités. Ces cadres peuvent imposer aux gouvernements l’obligation de mettre en œuvre des mesures d’adaptation, par exemple en matière de conservation, d’utilisation durable des plages, de développement urbain et de lutte contre les maladies exacerbées par le changement climatique. Enfin, une gouvernance inclusive qui privilégie l’équité et la justice est également importante car les citoyens et les organisations de la société civile peuvent participer directement à la planification et à la prise de décision. La solution viendrait d’un développement durable et résilient au changement climatique avec l’élimination de la pauvreté et de la faim, la santé et le bien-être, ainsi que l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires.  Il doit impliquer tout le monde, autour de la table : les gouvernements, les citoyens, les communautés, les institutions éducatives, les médias, les investisseurs et les entreprises. Chaque action compte et chaque minute compte ! Le compte à rebours a commencé…

Nathalie HILMI
Nathalie HILMI
Docteur en sciences économique, spécialisée en macroéconomie et finance internationale, Nathalie Hilmi est responsable de la section « économie environnementale » au Centre scientifique de Monaco et auteur principal des rapports SROCC (Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate) et AR6 (Sixth assessment report) du GIEC.

Voir les autres articles de la catégorie

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.

5 MOIS EN ANTARCTIQUE