Quand les femmes «mènent la barque»

L’amiral Lisa Franchetti est la première femme à prendre le commandement de
la marine américaine.
Photo US Navy

Depuis le 2 novembre 2023, après quelques mois de blocage, l’amiral Lisa
Franchetti est devenue la première femme à prendre le commandement de
l’US Navy. Un nouveau jalon dans la montée en puissance des femmes au sein
des forces navales occidentales amorcée au XXème siècle. Analyse.

Décidée en juillet par le président Joe Biden la nomination de l’amiral
Franchetti, 59 ans, était bloquée, comme celles de centaines d’autres officiers
supérieurs, par un sénateur du groupe Républicain¹. C’est maintenant chose
faite : une femme commande l’US Navy. Or, avec plus 300 navires de combat
dont 67 sous-marins et 124 bâtiments de premier rang dont 11 porte-avions, la
Navy n’est pas seulement la marine la plus redoutable du globe, c’est aussi le
socle de la puissance américaine : tout un symbole.
C’est un nouveau jalon de passé depuis la nomination, en 2014, de l’amiral
Michelle Howard, première femme à avoir été nommée vice-chef des
opérations navales – numéro 2 de la Navy – et à recevoir sa quatrième étoile.


UNE FÉMINISATION PROGRESSIVE

L’US Navy est l’une des marines les plus féminisées du monde. Selon les chiffres
du Département de la Défense (DoD), en 2022, elle comptait 340 000
personnels d’active dont 70 000² femmes. Avec 20,7 % des effectifs, c’est la
deuxième composante la plus féminisée de l’armée américaine, derrière l’US
Air Force.
Cette féminisation est le fruit d’un processus amorcé dès le début du XXème
siècle avec la création du corps des infirmières. Mais c’est lors de la Première
Guerre mondiale que les femmes ont véritablement fait leur entrée dans la
Navy. À la fin du conflit, elles étaient plus de 10 000 à occuper diverses
fonctions dans les domaines administratifs, bureautiques, voire techniques
(dessin, conception de camouflage naval, etc). Elles ne pouvaient en revanche
ni embarquer sur les bâtiments à la mer ni être projetées sur les théâtres
d’opérations. Elles restaient cantonnées aux Etats-Unis et leurs territoires ultra-
marins comme Hawaï, Porto-Rico ou Guam.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les femmes ont de nouveau été appelées
sous les drapeaux. Elles ont été incorporées à partir de 1942 dans une division
à part entière de la Navy, sous le nom de Women Accepted for Volunteer Emer-
gency Service (WAVES). Elles avaient le même rang et la même solde que leurs
homologues masculins, incluant les officiers.
Encore en majorité affectées à des fonctions administratives, leurs affectations
se diversifiaient néanmoins au renseignement, à la communication, à la justice
militaire ou la recherche et technologies. La Seconde Guerre mondiale sera de
fait un tournant majeur pour la présence des femmes dans les armées. A partir
de 1948, elles pouvaient désormais servir en temps de paix et faire carrière. Il
faudra attendre la fin des années 1970 pour qu’elles soient admises au service
à la mer.

UNE NAVY AU FÉMININ

La plupart des métiers et des grades de la Navy sont aujourd’hui ouverts et
accessibles aux femmes. Plus de 11 000 sont officiers, soit près de 21 % des
effectifs. Prochainement, la contre-Amiral Yvette M. Davids devrait voir
confirmer sa nomination à la tête de l’US Naval Academy, une institution
prestigieuse qu’elle sera la première femme à diriger. En attendant, elle
commande par intérim les forces navales de surface de la flotte du Pacifique.
Plusieurs sont chefs d’unités et commandent des bâtiments de premier rang,
voire des « capital ships ». Amy Bauernschmidt a été en 2021 la première
femme à prendre le commandement d’un porte-avion, l’USS Abraham Lincoln.
Elle a rendu son commandement en janvier 2023 pour être nommée amiral
dans la foulée. Citons également Andria Slough qui commande le LHD (porte-
hélicoptères) USS Makin Island. On retrouve aussi des femmes à la tête des
destroyers les plus récents de la marine américaine de la classe Arleigh Burke
qui forment la colonne vertébrale de la Navy, telles que les commandants
Kathleen R. Whitman ou Parina Somnhot respectivement « pacha » des USS
Gridley et Kidd.

LA FRANCE AU 4ÈME RANG MONDIAL

La France de son côté se range au quatrième rang mondial des armées les plus
féminisées. Disposant de près de 40 000 marins, la Marine nationale comporte
ainsi plus de 6100 femmes dans ses rangs soit 16 % de ses effectifs, 14 % des
officiers et 12 % des effectifs embarqués. Le gouvernement et la marine visent
explicitement à encore augmenter le taux de recrutement féminin via le « plan
mixité » lancé par le ministère des Armées en 2019. (…)

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1-Tommy Tuberville, sénateur Républicain de l’Alabama, est à l’origine de ce blocage. Au
Sénat américain, la promotion des officiers généraux et des postes supérieurs de l’armée
doit passer par l’approbation à l’unani- mité de la chambre. Le sénateur bloque les
nominations pour manifes- ter son désaccord avec la politique du Pentagone qui vise à
rembourser les frais de militaires devant voyager pour avorter. Une position qui di- vise
dans son parti.
2-Military Onsources, Departement of Defence,

[https://demographics.militaryonesource.mil/chapter-2-gender/]

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