De pays misérable à référence mondiale : l’incroyable succès de Singapour

300 000 vues déjà sur Twitter ! Retrouvez ici l’un des articles de Marine & Océans les plus lus cet été, consacré à Singapour sous la signature d’Aurélien Duchêne.

Le 9 août 1965, Singapour prenait son indépendance dans un contexte hostile et chaotique. 58 ans plus tard, ce pays sous-développé, miné par la misère, la corruption et l’insécurité est devenu l’un des plus riches et sûrs du monde. D’où vient cet incroyable succès ? 

A son indépendance, Singapour avait un revenu par habitant d’environ 500$, l’équivalent du Ghana la même année. Il est aujourd’hui de 100-130 000$, contre moins de 7 000 pour le Ghana. Singapour est le pays où le niveau de vie s’est le plus amélioré depuis qu’on le mesure ! 

Singapour a désormais un niveau de vie bien plus élevé que celui d’un pays comme la France, et devrait bientôt être au 1er rang mondial. La mortalité infantile s’y est par exemple améliorée plus vite que dans n’importe quel autre pays, tout comme l’indice de développement humain.

Singapour était en 1965 gangrénée par l’insécurité et la corruption, dans une région dangereuse (piraterie, trafics, crime organisé…). C’est désormais le 5e pays le moins corrompu au monde, et l’un des plus sûrs avec des taux de criminalité divers parmi les plus bas.

Singapour n’a pourtant aucune ressource naturelle, ni aucun autre avantage particulier, à part sa position stratégique qui était initialement source de dangers. La cité doit d’abord son essor à un dirigeant visionnaire : Lee Kuan Yew, véritable père fondateur de Singapour.

Lee Kuan Yew faillit être exécuté par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale, et ne devint Premier ministre en 1959 qu’à une voix près. Il restera 30 ans à ce poste, pilotant l’indépendance de Singapour puis le formidable essor de la cité, qui était tout sauf acquis.

Alors que Singapour était encore dans une logique de survie dans ses premières années d’indépendance, Lee Kuan Yew a tôt cultivé l’ambition d’en faire un pays modèle à long terme. Dans une logique associant planification et libéralisme, son développement a connu 2 grandes phases. 

Des années 1960 aux années 1980, Singapour mise à la fois sur sa position géographique de carrefour commercial, sur son statut de pays pauvre à la main-d’œuvre accessible, et sur une politique de fermeté et de stabilité permettant de se distinguer dans une région dangereuse.

Pendant 20 ans, le régime mise sur le développement de l’île et la formation de la population. Dès les années 1980, Singapour peut ainsi passer d’un modèle de pays émergent à un modèle de pays riche, en misant sur l’excellence, l’innovation, l’industrie high tech et les services. 

 Controversé, Lee Kuan Yew a dirigé Singapour d’une main de fer. Mais avec des personnalités compétentes comme l’économiste Goh Keng Swee, le théoricien politique S. Rajaratnam ou l’ex-militaire George Yeo, il a créé un modèle de gouvernance efficace, tourné vers le développement.

Malgré des institutions démocratiques, Singapour est un régime hybride que d’aucuns qualifient de « despotisme éclairé » ou « dictature bienveillante ». Lee Kuan Yew revendiquait de faire primer l’intérêt collectif à long terme sur la satisfaction de l’opinion publique à court terme. 

Le modèle singapourien repose sur 3 piliers : le pragmatisme, l’expertise l’emportant sur l’idéologie, voire la démocratie ; la méritocratie, jugée indispensable à la cohésion de cette société multiculturelle ; la vision à long terme, fût-ce aux dépens de la vitalité démocratique.

Outre un autoritarisme de plus en plus contesté, même si la population soutient très majoritairement la gouvernance actuelle, le « modèle » singapourien souffre d’autres problèmes tels que de fortes inégalités et un taux de fécondité parmi les plus bas au monde.

Malgré tout, Singapour sait se réinventer pour continuer : tourné vers la méritocratie (avec un temps de travail moyen de 44h/semaine), le pays a mis en place un système éducatif qui est au 2e rang mondial des classements PISA, et notamment au 1er rang pour les mathématiques.

Parmi les originalités du système éducatif singapourien : les enfants sont initiés à un âge extrêmement précoce à des exercices de logique ou de calcul mental. Les devoirs maison ou accompagnés occupent 9h par semaine (3e rang mondial), en s’inspirant du système japonais Heguru.

Sur une île de 600 km2 (700 pour tout l’archipel) dépourvue de ressources, la seule richesse de Singapour sont ses citoyens, comme le martelait Lee Kuan Yew. D’où le pari de l’excellence éducative, pour disposer d’une population bien formée, et de l’immigration ultra-qualifiée. 

L’intellectuel singapourien Kishore Mahbubani avance que pour nombre d’Asiatiques, son pays est « la société la plus réussie depuis les débuts de l’humanité ». Si l’on peut questionner cette affirmation, le destin de cette petite cité-État maritime n’en reste pas moins fascinant.

Crédits photo d’illustration : Unsplash.

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