La ministre Girardin à Mayotte, dans un contexte tendu avec les Comores

La ministre, dont la dernière visite les 11 et 12 avril, en plein conflit social, s’était déroulée sous haute tension, vient annoncer des « mesures sociales » pour la population.

Mais ses annonces risquent d’être parasitées par l’absence de solution dans le conflit qui oppose depuis le 21 mars les Comores et la France, lorsque Moroni a décidé d’interdire les reconduites des Comoriens entrés illégalement à Mayotte, île française de l’océan Indien.

Mayotte connaît depuis février une crise sociale majeure, la population dénonçant une immigration clandestine massive venue des Comores voisines, source selon elle d’insécurité. Menés par une intersyndicale et un collectif de citoyens, les Mahorais ont ainsi érigé pendant près de six semaines des barrages qui ont paralysé la circulation et l’économie.

Malgré la levée totale des barrages début avril, la situation n’est pas apaisée.

Après une « réponse d’urgence sur la sécurité » en avril, « cette fois-ci, je viens avec une réponse sur les questions plus sociales et économiques, parler logements, aménagement du territoire, éducation, santé », a expliqué Mme Girardin sur franceinfo.

Ces mesures, destinées à « rattraper un certain nombre de retards », ont en partie été annoncées par le Premier ministre le 19 avril, lors d’une réunion à Matignon avec des élus mahorais, mais seront « confortées d’un certain nombre d’autres réponses », a assuré la ministre, qui reste jusqu’à mardi.

Edouard Philippe avait notamment promis la création d’une Agence régionale de santé et d’un rectorat « de plein exercice », l’accélération des constructions de classes pour répondre au manque d’infrastructures scolaires, l’exonération de ticket modérateur (le reste à charge) pour les « affiliés sociaux » ou encore des moyens supplémentaires pour le centre hospitalier de Mamoudzou.

Mais « rattraper le retard n’est pas suffisant, il faut donner à Mayotte l’élan qu’il lui faut pour se développer dans son bassin maritime », a souligné Mme Girardin, soulignant le « bras de fer actuel que mène le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avec les Comores, pour que nos voisins acceptent la reconduite à la frontière des Comoriens illégalement présents à Mayotte ».

Selon elle, « il y a à peu près entre 60 et 80 personnes qui arrivent chaque jour à Mayotte ».

– « Bouc-émissaire » –

Pour apaiser les Mahorais, les autorités françaises avaient multiplié début avril les expulsions de ces Comoriens sans papiers. Mais Moroni, qui revendique toujours la souveraineté sur Mayotte, a riposté en refusant de laisser revenir sur son territoire ses citoyens refoulés.

Pour le député LR Mansour Kamardine, « Mayotte et plus largement la France, servent aux autorités comoriennes de bouc-émissaire pour dissimuler leurs difficultés à offrir un avenir meilleur aux populations des trois îles qui composent l’Union des Comores », a-t-il dénoncé dans un communiqué.

Une situation qui a ravivé la colère des Mahorais, dont certains n’hésitent plus depuis plusieurs semaines à chasser eux-mêmes les clandestins, lors d’opérations d’expulsions plus ou moins violentes (« décasages »).

« On n’encourage pas les décasages, mais il risque d’y en avoir de plus en plus », a averti vendredi l’un des porte-parole du mouvement social, Salim Nahouda, de la CGT Mayotte.

Des tensions attisées également par les rumeurs d’un projet en catimini des gouvernements français et comoriens de constituer une Communauté de l’archipel des Comores qui inclurait Mayotte et les 3 autres îles comoriennes indépendantes (La Grande Comore, Anjouan et Mohéli).

Une manifestation a rassemblé jeudi plusieurs centaines de personnes contre ce projet, malgré les dénégations du gouvernement français affirmant qu’il était « sans fondement ».

Pour M. Nahouda, la population mahoraise « n’est pas prête à écouter les promesses de la ministre ». « Si la question de l’immigration n’est pas réglée, les mesures sociales, comme des logements sociaux supplémentaires, des classes supplémentaires, ou un renfort de l’hôpital, ne seront pas écoutées, car les Mahorais se disent qu’ils n’en seront pas les premiers bénéficiaires ».

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