Difficile à imaginer ces jours-ci en voyant le bal de pelleteuses et grappins charriant des roches de 3-4 tonnes — 30.000 tonnes au total — pour renforcer les « fondations » de la dune à Lacanau-Océan. Mais la station-phare de Gironde accueillera bien d’ici dix jours ses milliers de baigneurs quotidiens, avec des pointes à 10.000, comme un 15 août.
De la Côte Basque à l’île de Ré, tout ce qu’Aquitaine et Charentes compte de côte, sableuse surtout, a subi entre décembre et mars les assauts successifs des gros coefficients de marée, fortes houles et des tempêtes « Dirk », « Petra », « Hercule », « Christine », « Brigitte ».
Promenades disloquées, parapets ou escaliers emportés, plages jonchées de déchets (bois, plastiques, bidons) au point que l’accès en fut interdit plusieurs week-ends… A la veille de l’été, la métamorphose est impressionnante et les touristes peineront à voir trace des tempêtes ou du recul du trait de côte de 10 à 20 mètres en maints endroits.
– Sans travaux, pas de saison –
« On a ouvert nos plages depuis le 1er mai au nord et au sud. On est prêt à recevoir tout le monde et on ouvrira la plage centrale le 1er juillet », assure le maire de Lacanau, Laurent Peyrondet. « Sans ces trois mois de travaux d’urgence, on n’aurait pas pu faire la saison », souligne l’élu, qui estime la facture à 2,8 millions d’euros et mise aussi sur le « réengraissement naturel » de la plage en cette période, espérant au moins 2 mètres de sable.
L’homme a partout réparé, renforcé: ici enrochements plus lourds, là fondations plus profondes, nouvelles digues d’amortissement. Comme à Biarritz, où les vagues avaient pénétré dans le casino.
A Anglet, le cargo espagnol « Luno », échoué et brisé en trois en février, a disparu depuis le 15 juin, ses 14.000 tonnes de ferraille ont été démantelées, évacuées. Bientôt dépolluée de résidus métalliques, la plage des Cavaliers rouvrira le 1er juillet.
Sur l’île de Ré, 21 chantiers ont été ouverts pour deux millions d’euros. « Surtout du sable, des enrochements, pour reconstituer et fixer les dunes qui avaient reculé », parfois de 15 mètres comme à La Couarde, explique Lionel Quillet, président de la Communauté de communes de l’île. Or, au village de La Couarde, « la dune est le dernier obstacle avant la catastrophe ».
A l’échelle du littoral aquitain, 7,2 millions d’euros de ces travaux « d’urgence » ont été engagés, l’Etat en assumant 30%.
– Plus de plage dans 40 ans –
Sur les fronts de mer, ces réparations sont vécues comme allant de soi: « Une station balnéaire doit avoir un front de mer avec des restaus, des boutiques. S’il n’y en a plus, quel intérêt d’y venir »?, assène Cédric Capdepuy, gérant du restaurant Le Kayoc surplombant la plage de Lacanau.
« Les gens nous voient faire des travaux, se disent +ma foi, on est sauvés+ », souligne Laurent Peyrondet. « Mais on sait très bien que dans 40 ans, notre plage centrale n’existera plus. Il faut se préparer à relocaliser, peut-être défendre, mais il faut que ça rentre dans l’esprit des gens: l’érosion n’est pas un vain mot », ajoute l’élu.
Il envisage différents scénarii, allant d’une « défense dure » du front de mer, qui sacrifierait la plage, à des « relocalisations » (avec dune laissée plus ou moins sauvage). Lacanau est un des sites-clefs pour les « stratégies littoral » échafaudées à l’horizon 2040 sous l’égide du GIP (Groupement d’intérêt public) Littoral Aquitain.
Au final, ce sont sans doute les coûts induits dans ces hypothèses de repli — pour Lacanau, des chiffres initiaux supérieurs à 300 millions d’euros circulent — qui décideront ou dissuaderont.
Pour l’heure, les plages ont été refaites et, à Lacanau, une grande roue installée sur le front de mer, comme un défi.
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