Concordia: le redressement du paquebot naufragé approche de la phase finale

« Le redressement a dépassé le niveau fatidique des 24 degrés, nous approchons de la phase finale », a déclaré le commissaire du gouvernement en charge du projet Franco Gabrielli, vers minuit (22H00 GMT).

Les techniciens devaient continuer de travailler pendant la nuit, jusqu’à l’aube de mardi, pour redresser le paquebot.

Le navire de croisières de 290 mètres de long — plus long que le Titanic et près de deux fois aussi lourd — a commencé à émerger de l’eau comme un bateau fantôme, la coque rendue marron par la rouille. L’opération, qui a déjà dépassé les 12 heures prévues initialement, a pris un peu de retard et la fin de la rotation est prévue au plus tôt mardi à l’aube.

A partir du niveau de 24 degrés, il n’est plus nécessaire d’exercer une traction sur l’épave à travers 36 énormes câbles d’acier. La rotation se poursuit en remplissant d’eau de mer, à travers des valves, les énormes caissons (hauts comme des immeubles de 7 à 11 étages) placés sur le flanc gauche du navire.

« Le voir ressortir de l’eau est très émouvant pour moi. Je ne pouvais pas rater ça. J’aurais pu périr sur le bateau et en fait je suis là pour raconter mon histoire », a déclaré Luciano Castro, un rescapé.

Le maire adjoint du Giglio, Mario Pellegrini, qui avait été mobilisé toute la nuit du naufrage le 13 janvier 2012 pour sauver les passagers, s’est dit « sous le choc ». L’épave « commence à ressembler au navire cette nuit-là », a-t-il dit.

Selon l’ingénieur Franco Porcellacchia, chef du projet pour Carnival, maison mère de l’armateur Costa, « pas question de s’avancer trop sur les délais mais il est possible que cette phase soit conclue avant les 4 heures prévues ».

Sergio Girotto, de la firme italienne Micoperi, l’un des membres du consortium qui effectue la rotation, a précisé que les techniciens sont « volontairement en train de limiter l’entrée d’eau » dans les caissons car l’objectif est que le navire descende « doucement se positionner » sur des plateformes artificielles installées pour l’occasion.

Le redressement de ce mastodonte de 114.000 tonnes, échoué depuis 20 mois à quelques mètres du Giglio, avait auparavant pris du retard en raison d’une interruption d’une heure entre 16H00 et 17H00 GMT, pour une maintenance sur les câbles de traction effectuée par des techniciens-alpinistes spécialisés.

Plusieurs « inconnues » subsistent, a dit M. Gabrielli. La méteo suscite de l’inquiétude en raison d’une détérioration attendue mardi (rafales de vent et renforcement de la houle). Mais Sergio Girotto a tempéré, précisant que « des vagues d’une hauteur allant jusqu’à un mètre et demi sont acceptables ».

Le redressement puis le renflouement sont des opérations titanesques, confiées à l’italien Micoperi et à l’américain Titan pour un coût déjà supérieur à 600 millions d’euros, entièrement à la charge de Carnival.

C’est la première fois qu’une telle prouesse est tentée sur un bateau aussi grand et positionné de cette façon, le côté droit couché sur des rochers.

L’ex-palace flottant a été vidé de toute présence jusqu’à ce qu’il soit sécurisé. Une fois redressé, des spécialistes se mettront en quête des cadavres de deux disparus — une passagère italienne et un serveur indien — sur les 32 morts qu’a fait ce naufrage (sur 4.229 personnes à bord).

Selon Elio Vicenzi, veuf de la passagère italienne, les « recherches reprendront dès que le navire sera stabilisé ». Le chef de la protection civile Gabrielli a dit n’avoir reçu aucune information pour le moment sur la présence de ces corps.

Quant aux risques de pollution, aucun déversement toxique n’a été constaté jusqu’à présent et les biologistes de l’observatoire italien de l’Environnement n’ont prévu que des « perturbations temporaires de l’environnement marin ».

La rotation est gérée à distance dans une « salle de contrôle » par 11 personnes, commandées par Nick Sloane, le Sud-Africain, le « senior salvage master ». La plateforme flottante où ils se trouvent est reliée au navire par deux « cordons ombilicaux » (un câble principal et un de secours).

Massés dans le tout petit port, les habitants du Giglio — île méconnue avant le naufrage — sont impatients d’être débarrassés du paquebot qui gâche la vue, telle une verrue métallique géante.

lrb-fka/tj

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