En retard, coûteux, les grands projets européens de transport épinglés

L’institution, chargée de veiller à la bonne utilisation des fonds européens, a appelé à « accélérer » la mise en oeuvre de ces infrastructures cofinancées par l’UE.

Elle estime notamment que six des huit qui ont été contrôlées « ne fonctionneront probablement pas à leur pleine capacité d’ici à 2030 », l’échéance fixée pour la construction du réseau central transeuropéen de transport (RTE-T).

Ce réseau, dont l’achèvement sera du coup retardé selon la Cour des comptes, est destiné à mieux relier les Etats membres entre eux et à développer le transport des marchandises et des passagers le long de neuf « corridors » européens. Un projet crucial pour l’économie de l’UE et ses ambitions dans le domaine climatique.

Les huit grands projets passés au crible, d’une valeur totale de 54 milliards d’euros et cofinancés par l’UE à hauteur de 7,5 milliards, visent à relier entre eux les réseaux de transport de 13 États membres (États baltes, Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Autriche, Pologne, Roumanie et Finlande).

Ces « mégaprojets » (des lignes ferroviaires, une voie navigable, une autoroute et des connexions multimodales), enregistrent un retard de construction de 11 ans en moyenne qui « compromet le bon fonctionnement de cinq corridors transnationaux sur neuf », indique la « gardienne des finances de l’UE » dans un communiqué.

Les auditeurs attribuent notamment « ces résultats médiocres » à une « coordination insuffisante des projets entre les différents pays ».

« Davantage d’efforts sont nécessaires pour accélérer l’achèvement de plusieurs des mégaprojets phares de l’UE », estime Oskar Herics, un membre de la Cour responsable du rapport.

La Cour note qu' »avec le temps, les coûts des huit mégaprojets ont augmenté de plus de 17 milliards d’euros (soit 47%) ».

L’augmentation la plus importante concerne le canal Seine-Nord Europe, une liaison à grand gabarit qui doit faciliter le transport de marchandises entre les pays du Benelux et la région parisienne, « dont les coûts ont pratiquement triplé », pour s’établir à 4,97 milliards d’euros.

Le projet, qui accuse un retard de 18 ans, « ne sera pas mené à bien dans son intégralité d’ici à 2030 », estime Oskar Herics, jugeant aussi que « le promoteur a retenu des hypothèses de trafic trop optimistes ».

– Viabilité –

Idem pour la liaison ferroviaire controversée Lyon-Turin, dont la réalisation a pris 15 ans de retard, selon la Cour des comptes : son coût, de 9,6 milliards d’euros, a augmenté de 85% par rapport à l’évaluation initiale et elle « ne sera probablement pas prête d’ici à 2030 ».

Le projet a pour objectif de réduire le transport de marchandises en camion à travers les Alpes au profit du rail et de diviser par deux le temps de trajet pour les passagers, en mettant Turin à deux heures de Lyon.

Les auditeurs soulignent aussi le « risque » que les prévisions de trafic de marchandises dans la région alpine tablant sur 24 millions de tonnes transportées annuellement en 2035, soit huit fois le flux de trafic actuel, soient surestimées et que les effets environnementaux « positifs » de la multimodalité le soient aussi.

« Allez demander aux habitants si le trafic de poids lourds est surestimé… Il a augmenté de 16% depuis 2013 », a réagi Stéphane Guggino, me délégué général du Comité pour la transalpine, favorable au projet et qui « plaide depuis un moment pour son accélération ».

La Cour des comptes avertit que « certains projets risquent de ne pas être économiquement viables », citant l’axe Rail Baltica (allant de Berlin à Tallinn via la Pologne) et « la partie ferroviaire de la liaison fixe du Fehmarn Belt (tunnel immergé entre l’Allemagne et le Danemark), dont le réservoir de passagers est beaucoup trop insuffisant ».

La Cour, qui ne préconise toutefois pas l’abandon des projets, juge que la Commission européenne « n’a évalué de façon critique ni la viabilité à long terme des infrastructures de transport phares, ni leurs coûts » et qu’elle doit renforcer sa supervision de la mise en place du réseau.

Citée dans le rapport, la Commission juge quant à elle que ses interventions « ont souvent été déterminantes pour garantir la mise en oeuvre des projets » et « que la plupart des +infrastructures de transport phares+ seront opérationnelles » en 2030.

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