La « protection forte » des espaces naturels en débat

Paris, 4 fév 2022 (AFP) – Parcs naturels, aires marines: les aires protégées sont un outil privilégié pour préserver la biodiversité à l’échelle internationale et nationale. Mais se pose la question du degré de protection dans ces espaces, comme l’illustre un projet de décret contesté sur la « protection forte » en France.

– Qu’est-ce qu’une aire protégée?

Les aires protégées sont apparues au milieu du XIXe siècle, d’abord aux Etats-Unis, avant de gagner l’ensemble du globe, dans un souci premier de préserver des espaces pour leur beauté naturelle.

Ces espaces, réglementés par l’Etat, des collectivités ou appartenant à des propriétaires privés, regroupent des territoires très différents par leur taille, leurs écosystèmes (forêt, littoral, montagne, mangrove, tourbière, océan…) et le niveau de protection. Elles couvrent actuellement 16,64% des zones terrestres et eaux intérieures et 7,74% des zones marines et côtières à travers le monde.

– Pourquoi protéger 30% des surfaces terrestres et marines?

Des négociations sont en cours pour aboutir à un traité international visant à mieux protéger la nature dans le cadre de la COP15 biodiversité. Il y est question de conserver « grâce à un système efficace et bien relié de zones protégées (…) au moins 30% de la planète » d’ici 2030.

La France s’est engagée à protéger dès 2022 au moins 30% de ses terres et mers, dont 10% du territoire sous « protection forte » contre 1,8% aujourd’hui. Le président Emmanuel Macron a aussi promis de placer 5% de l’espace maritime français en Méditerranée en protection forte d’ici 2027, contre 0,2% actuellement.

– Comment définir une protection forte ou stricte?

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a défini six catégories d’aires protégées. Elles vont de la protection la plus stricte avec la réserve naturelle « intégrale » uniquement dédiée à la recherche scientifique, sans aucune autre activité humaine, jusqu’à l' »aire protégée pour l’utilisation durable des ressources naturelles » où agriculture, pêche ou activités industrielles peuvent être présentes.

La protection la plus stricte correspond en France aux réserves intégrales dans les parcs nationaux comme dans le parc national des Ecrins (Hautes-Alpes). Ou encore l’île Rouzic en Bretagne, qui abrite une colonie de fous de Bassan, où l’homme n’a pas le droit de mettre le pied.

– Que propose le gouvernement français?

Paris a fait le choix de ne pas retenir la classification de l’UICN pour son objectif de 10% de protection forte de son territoire.

Un projet de décret, soumis à consultation publique jusqu’au 5 février, parle de « zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques de cet espace sont évitées, supprimées ou significativement limitées ».

Concrètement, les zones en protection forte regrouperaient les coeurs de parcs nationaux, les réserves naturelles ou encore les réserves biologiques en forêt déjà existants. Des activités humaines sont autorisées dans ces espaces naturels, comme du pastoralisme, de l’agriculture ou du tourisme, à condition d’avoir le moins d’impact possible.

D’autres sites – zones humides, forêts, littoraux, cours d’eau ou encore réserves de chasse – y seraient intégrés, de même que certains espaces maritimes, à partir du moment où ils disposent d’une réglementation pour limiter les pressions humaines, d’objectifs de protection et de moyens de contrôle.

– Quelles sont les critiques?

Selon l’association Aspas, qui promeut des espaces naturels sans prélèvements (chasse, pêche, coupe de bois, pastoralisme…), le texte « n’est qu’une coquille vide » et « ne garantit en rien qu’une zone en protection forte sera vraiment protégée de toute activité humaine susceptible d’impacter la nature ».

Pour Cédric Marteau, de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « c’est un peu décevant. Nous attendions une extension et un renforcement des aires protégées et non pas une labellisation de l’existant ». La France veut « diluer la notion de protection forte », abonde Jérôme Petit de l’ONG Pew.

Il faut également que les aires protégées soient réparties sur l’ensemble des territoires et non cantonnées à des zones où l’activité économique est moindre et que les moyens financiers soient là pour une protection efficace et effective, estiment les ONG.

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