Privés des strass de Cannes, des yachts de luxe patientent dans les chantiers

Le SARS-CoV-2 est passé par là et tout s’est arrêté.

Comme pour le yacht A, le plus grand voilier du monde, dessiné par le designer Philippe Starck, dont les trois mâts dominent les grues de La Ciotat (Bouches-du-Rhône), un des plus importants chantiers navals de la Méditerranée française, depuis le début du confinement.

Et il n’est pas le seul à patienter: les 1.600 mètres de quais sont occupés. Et pas une place n’est libre +à sec+, sur la plateforme des Super Yachts (plus de 50 m) ou dans la grande forme, énorme bassin de radoub.

« Quand le confinement a débuté, le site faisait le plein », explique Jean-Yves Saussol, directeur général de La Ciotat Shipyards, les chantiers navals ciotadens. Car le début d’année est la période où les yachts se refont une beauté entre les mains des entreprises de « refit », avant les strass cannois mi-mai et la saison estivale.

Mais, avec le confinement en vigueur le 17 mars en France, « il n’y a eu aucune manoeuvre, jusqu’au 20 avril, aucun levage de bateau », poursuit M. Saussol.

« Les travaux ont pris au minimum six semaines de retard », explique à l’AFP Ben Mennem, directeur général de MB92 La Ciotat, l’un des deux sites du n°1 mondial du secteur.

Chez MB92, pour que les divers corps de métiers intervenant sur les bateaux –électriciens, chaudronniers, peintres, décorateurs– ne se croisent pas, dans des espaces parfois contigus, un système informatisé de réservation de créneaux de travail a été mis en place.

– Protocole inspiré du nucléaire –

Le jour de son intervention, le salarié référent du sous-traitant ou de MB92 dispose d’un plan exact du navire, via un lien électronique sur son smartphone: zones accessibles ou interdites, entrées ou sorties dédiées, tout est indiqué.

Il pointe ensuite électroniquement la présence de chaque ouvrier, à l’entrée et à la sortie du chantier. Une alerte SMS lui est adressée, respectivement 20 minutes avant la prise de travail et 10 minutes avant la sortie exigée du navire.

« Jamais un employé ne doit se trouver à moins de 2 mètres d’un collègue ou d’un membre d’équipage, et le port du masque est obligatoire à moins de 5 mètres de toute personne », insiste M. Mennem.

Chez Nautech, autre entreprise installée à La Ciotat et spécialisée dans le « refit » (re-carénage) et l’entretien des yachts, les équipes travaillent sur des horaires étendus, en 2×8, pour diminuer le nombre d’intervenants présents simultanément.

Les ouvriers passent par une tente dépressurisée pour atteindre et quitter les zones de travaux, et celles-ci sont systématiquement désinfectées.

« Nous avons adapté des dispositifs inspirés des interventions en zone nucléaire. L’idée est de protéger de toute contamination les employés, les équipages, le matériel et le yacht, le bien qui nous est confié », explique Nicolas Bruni, patron de Nautech.

S’il est difficile pour l’heure d’évaluer les pertes subies par le secteur et la baisse de productivité induite par ces protocoles, Ben Mennem anticipe une diminution de chiffre d’affaires de l’ordre de 20%.

La Ciotat Shipyards, la société publique qui gère le site ciotaden, pense elle rester dans les clous pour inaugurer en juin 2022 son ascenseur à bateaux de 4.500 tonnes, cofinancé avec MB92, qui permettra de mettre à sec des méga yachts de 80 à 110 m de long.

Mais la grande question reste le maintien ou non du Monaco Yachting Show, prévu fin septembre. « Pour le secteur, c’est comme Cannes pour le cinéma, c’est le plus gros événement de l’année », résume Laurent Falaize, président de Riviera Yachting Network, un regroupement d’une centaine d’entreprises du yachting, de Marseille à Monaco.

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