Entretien avec Béatrice Witvoet, Présidente de Wista France


La parité hommes-femmes est-elle une marque voire une vertu du milieu maritime…

Dois je prendre cette question au 3ème ou au 4ème degré ? La parité n’est pas encore une réalité dans le secteur maritime, à l’instar de nombreux autres secteurs économiques. En revanche, cette question est devenue une vraie préoccupation pour les acteurs du monde maritime français, qui ont pris conscience de cet outil essentiel de performance économique de nos entreprises et d’efficacité du travail au sein des équipes de direction et de management. Mais, vous avez raison, c’est en ce sens qu’il s’agit bien d’une vertu.

Pouvez-vous nous donner une idée de la place et surtout du type de fonctions qu’occupent aujourd’hui les femmes dans le milieu maritime ?

Malheureusement non. Nous avons œuvré auprès du Cluster maritime français (CMF) pour la création d’un groupe de travail sur l’égalité professionnelle Femmes/Hommes, qui a été mis en place début 2013. Lorsque nous avons fixé la feuille de route de ce groupe de travail, nous nous sommes rendus compte (avec un peu d’effarement pour certains) de l’absence d’informations fiables et complètes sur la place effectivement occupée par les femmes dans les différentes activités maritimes en France. Comment prétendre fournir aux entreprises des solutions pour améliorer une situation que l’on ne connaît pas. Les personnes membres de ce groupe font donc un travail colossal de collecte d’informations, de chiffres, qui va prendre du temps. Il faut que la communauté maritime se mobilise car il appartient aux entreprises de fournir leurs données pour que l’étude soit représentative et puisse être utilement exploitée.

Le milieu maritime attire-t-il les jeunes femmes à l’issue de leurs études ?

Selon les personnes en charge de l’enseignement professionnel et les DRH des entreprises maritimes, non et en tout cas pas suffisamment, notamment dans les domaines scientifiques et les embarquements. Il existe certainement diverses raisons à ce désintérêt, notamment la communication auprès des jeunes, non seulement dans les cursus réservés aux « maritimistes », mais également dans les lycées, qui ne s’est jusqu’à présent pas préoccupée des jeunes femmes pour leur expliquer en quoi le secteur maritime est un secteur d’avenir, innovant, préoccupé de l’environnement et leur offrant de réelles opportunités de carrière, contrairement à une idée reçue qui tient à la seul image d’un secteur dominé par la présence des hommes, notamment aux postes de management et de responsabilité. Mais les choses changent visiblement.

Pourquoi chercher à fédérer les femmes de ce secteur dans une démarche qui pourrait paraître … sexiste, voire …communautariste, et peut être au final… un peu réductrice ?

Il faut bien sûr poser cette question. Elle s’impose comme une évidence et elle permet de réfléchir au pourquoi de ce réseau. WISTA Toutes les membres avec qui j’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet, en France comme dans les autres pays membres de WISTA, ont toutes eu (et j’en fait partie) une forte réticence avant d’adhérer, liée à ce questionnement. Pourquoi se marginaliser visiblement ? Mais cette idée est fausse et elle est rapidement corrigée.

Je ferai remarquer à ce sujet que de nombreux réseaux de femmes se sont crées dans divers secteurs de l’activité économique en France et dans le monde, ces dix dernières années. Il suffit de constater qui en sont les membres, comment ces réseaux fonctionnent, quelles activités ils organisent, pour comprendre qu’il n’y a aucun esprit de sexisme, de communautarisme et qu’ils ne sont certainement pas réducteurs.

Ce sont des réseaux comme les autres, ils ont pour objectif premier non pas de promouvoir les femmes au détriment des hommes, mais de leur offrir de nouvelles opportunités professionnelles. Ils ne sont pas exclusifs des autres réseaux et les membres de WISTA participent à de nombreux autres forums professionnels maritimes. Mais ces réseaux professionnels répondent, je crois, à une aspiration nouvelle qui n’a pu jusqu’à présent librement s’exprimer dans la sphère professionnelle. Les femmes ressentent la nécessité de travailler autrement, de modifier les règles du jeu de la promotion et du travail au sein des entreprises, qui ne correspondent plus à la réalité. Elles trouvent dans les réseaux féminins une audience et je crois qu’elles ont prouvé le professionnalisme et le sérieux de ces réseaux. Je crois aussi que ces réseaux leur apportent une assurance et une confiance dont elles manquent parfois. Bien sûr, ce sont des généralités qui recouvrent des motivations très diverses. Mais il faut savoir, pour ce qui concerne WISTA, que nous travaillons en collaboration avec des hommes, c’est même un élément de notre ADN auquel nous sommes très attachées.

Quels objectifs poursuit Wista France ?

WISTA est un réseau et à ce titre, il a pour vocation de créer pour ses membres des opportunités professionnelles nouvelles, de leur offrir une formation permanente pour améliorer les compétences de chacune. Il a pour spécificité, à l’image du Cluster maritime français, d’être ouvert à toutes les professions exercées dans toutes les activités liées à la mer. Donc une ouverture d’esprit et la création de synergies évidentes entre ses membres. Pour les Françaises, c’est aussi une ouverture sur le monde maritime étranger, puisque WISTA est représentée dans 33 pays sur tous les continents. C’est un réseau en pleine expansion.

Comment fonctionnez-vous ? Quels types de relations avez-vous avec les autres grands acteurs du secteur ?

J’ai déjà partiellement répondu à votre question.  Plus spécifiquement avec le CMF, nous avons des liens très forts car Francis Vallat, son Président, est un de nos premiers « soutiens » et de nombreux membres du conseil d’administration du CMF ont participé et ont promu d’une façon ou d’une autre nos activités ces dernières années. WISTA France est membre du CMF et vis versa. Nombreuses sont nos membres qui adhèrent également au CMF via leurs entreprises.

Pour le reste nous fonctionnons comme toute association à but non lucratif, avec une présidente et un bureau, composé de bénévoles. Nous avons un site internet régulièrement mis à jour et essayons de développer les partenariats informels, en toute liberté, avec d’autres acteurs du secteur maritime.

Quelles relations avez-vous avec la « maison mère », Wista international ?

Cette question est importante car WISTA France n’existerait certainement pas sans WISTA Intl. WISTA est tout d’abord un réseau international, qui se réunit une fois par an à l’occasion de la conférence annuelle accueillie par un pays membre (nous avons organisé cette conférence en octobre 2012 à Paris). Mais le réseau a besoin de « vivre » tout au long de l’année et les NWISTAs (National WISTA) sont des relais indispensables.

WISTA France avec ses 91 membres (en progression constante depuis 2012) fait maintenant partie des associations les plus nombreuses et la conférence annuelle à Paris nous a permis de prendre une position de premier ordre au sein de WISTA Intl. Il faut maintenant que nous développions les relations de nos membres avec l’organisation et les membres des autres pays.


* Avocate au sein de LBEW, cabinet d’avocats français indépendant au savoir-faire reconnu dans le domaine maritime, les transports, la logistique et les risques industriels.

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La revue trimestrielle MARINE & OCÉANS est éditée par la "Société Nouvelle des Éditions Marine et Océans". Elle a pour objectif de sensibiliser le grand public aux principaux enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile.   Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu'aux échanges. Les ressources qu'ils recèlent sont à l'origine de nouvelles ambitions et, peut-être demain, de nouvelles confrontations.

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