Vers une prochaine exploitation des grands fonds marins ?

Selon la Coalition pour la conservation des fonds marins  (DSCC en anglais), l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) serait sur le point d’approuver l’exploitation minière en haute mer. Ci-dessous le communiqué de presse intégral de la DSCC. 

Lire aussi, sur la page d’accueil de Marine & Océans Magazine, l’interview d’Olivier Guyonvarch, représentant permanent de la France auprès de l’AIFM et ambassadeurs de France en Jamaïque : https://marine-oceans.com/

L’Autorité Internationale des Fonds Marins sur le point d’approuver l’exploitation minière en haute mer malgré une triple crise planétaire (communiqué de presse de la DSCC)

Cette semaine, les pays se réuniront à Kingston, en Jamaïque, pour la réunion du Conseil de l’Autorité Internationale des Fonds Marins afin de négocier un code minier qui, s’il est accepté et adopté, ouvrira notre océan à la plus grande opération minière que l’humanité ait jamais connue. La Coalition pour la conservation des fonds marins (DSCC en anglais) appelle les gouvernements à exiger une halte et à soutenir un moratoire sur cette industrie émergente destructrice.

Alors que les gouvernements du monde entier se réunissent à Kingston du 30 octobre au 8 novembre pour la réunion du Conseil de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), l’industrie controversée de l’exploitation minière en haute mer est à nouveau sur le devant de la scène internationale.

Cette réunion de novembre fait suite à une session de négociation de trois semaines en juillet au cours de laquelle les États membres de l’AIFM n’ont pas donné leur feu vert au démarrage de l’exploitation minière en haute mer à l’échelle commerciale. Cependant, la faille juridique de deux ans qui permettrait à une entreprise de demander une licence provisoire pour exploiter des mines même en l’absence d’un code minier reste ouverte, mettant ainsi en péril les écosystèmes les plus préservés au monde. De plus, les États ont convenu d’une échéance indicative en vue d’adopter un code minier d’ici 2025, malgré d’énormes risques environnementaux et des lacunes scientifiques dans notre compréhension des fonds marins et des impacts de l’exploitation minière en haute mer.

« L’humanité est à la croisée des chemins. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant qu’un petit nombre d’États décident de lancer la plus grande opération minière que le monde ait jamais connue. Notre environnement ne pourra pas survivre à ces nouveaux impacts. L’exploitation minière en haute mer compromettrait le droit des générations futures à un avenir propre et durable. Avec la faille de deux ans toujours ouverte et les États se précipitant pour conclure un code minier, la seule solution est un moratoire par l’intermédiaire de l’Assemblée de l’AIFM dès maintenant », a déclaré Sofia Tsenikli, responsable de la Campagne mondiale d’exploitation minière en haute mer de la DSCC.

Alors qu’un petit groupe de pays tente de promouvoir cette industrie risquée, à l’échelle mondiale, le mouvement en faveur d’un moratoire continue de croître dans un large éventail de la société. Actuellement, 22 gouvernements appellent à l’arrêt de cette industrie destructrice, Monaco étant le plus récent gouvernement à demander l’arrêt. Près de 800 scientifiques, 36 entreprises, dont BMW, Google, Samsung, Volkswagen, Volvo, Philips, entre autres, 37 institutions financières représentant 3,3 billions d’euros d’actifs, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des groupes de pêche, des peuples autochtones, des jeunes et des communautés locales ont tous exhorté l’AIFM à freiner l’industrie pour éviter de causer des destructions irréversibles dans l’un des écosystèmes les plus fragiles de notre planète et d’aggraver la crise climatique. Si cette industrie devenait une réalité, les scientifiques avertissent qu’elle entraînerait une perte irréversible de la biodiversité et des services écosystémiques, des extinctions d’espèces et pourrait menacer le plus grand puits de carbone de notre planète.

« En raison de la structure de l’AIFM et de son parti pris en faveur de l’approbation de l’exploitation minière, une fois qu’un code minier sera adopté, il sera presque impossible de stopper cette industrie destructrice. Les gouvernements sont confrontés à une décision unique en son genre : détruire ou protéger le système de soutien à la vie de la planète dans son ensemble. Soit nous continuons sur le chemin de l’extractivisme et de la destruction qui a provoqué la triple crise planétaire, soit nous travaillons à créer une voie circulaire et durable qui ramène l’humanité en équilibre avec la nature », a déclaré Emma Wilson, responsable des politiques de la DSCC.

Alors que les pays se réunissent à nouveau pour négocier le code minier, les problèmes liés à la gouvernance, au manque de transparence et à l’inclusion de l’AIFM continuent de miner le processus. Les ONG et les journalistes ont été confrontés à des restrictions à leur pleine participation aux négociations lors de la réunion de juillet.

« Tel qu’il est, il y a clairement un programme industriel intégré au code minier proposé par l’Autorité Internationale des Fonds Marins pour réglementer l’industrie émergente de l’exploitation minière en haute mer. L’adoption du code minier conduirait inévitablement à des contrats miniers irrévocables qui seraient en place pendant de nombreuses décennies. Le code minier proposé permettrait effectivement aux exploitants en haute mer de dicter leurs propres règles, et ce, en l’absence de preuves scientifiques indépendantes et transparentes. Il n’existe même pas de comité scientifique en place », a déclaré Duncan Currie, conseiller juridique de la DSCC.

« Les pays membres de l’AIFM doivent aborder de toute urgence les lacunes fondamentales de gouvernance et de transparence de l’organisation et la réformer. En appartenant à un organisme multilatéral mondial chargé de prévenir les dommages à l’environnement en haute mer, ils doivent cesser de prétendre que l’exploitation minière en haute mer peut d’une manière ou d’une autre être « durable » et gérée de façon « durable » en évitant de mettre en danger l’environnement marin. Au lieu de donner la priorité à l’ouverture de cette nouvelle frontière à l’exploitation industrielle des ressources des grands fonds, l’AIFM doit au contraire se centrer sur la recherche et l’exploration en haute mer, afin d’aider l’humanité à comprendre l’importance de l’océan profond dans la séquestration du carbone, l’atténuation des impacts du changement climatique et la valeur pour l’humanité de protéger cette incroyable biodiversité », a ajouté Matthew Gianni, co-fondateur de la DSCC.

Source : Deep Sea Conservation Coalition.

Crédits photo : NOAA/DSCC.

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