Immersion de pneus en mer: la marche arrière est enclenchée

Dernier pays en date à tenter de remédier au problème: la France.

Depuis lundi, une partie des 25.000 pneus immergés en Méditerranée entre Cannes et Antibes dans les années 1980 sont en train d’être retirés à l’initiative de l’Agence des aires marines protégées, une « première » pour cet établissement dépendant du ministère de l’Ecologie.

L’opération pilote, qui porte sur quelque 2.500 pneus et qui se déroule sur un site classé Natura 2000, sera évaluée avant un éventuel retrait de l’ensemble des pneumatiques, en 2016, afin de « restaurer le milieu marin », selon l’Agence basée à Brest.

Ils avaient été immergés sur ce site, le plus important en France, afin de développer la production halieutique et soutenir la pêche professionnelle artisanale en recréant un habitat artificiel dans une zone qui en était dépourvue. On pensait alors que les pneus étaient « non polluants » et « totalement inertes », rappelle l’Agence brestoise.

Le récif, comme d’autres dans le monde constitués de pneus attachés les uns aux autres, n’a cependant pas résisté à la houle et aux courants et les pneus se sont éparpillés, détériorant le paysage sous-marin et les écosystèmes voisins. Ces récifs « présentent une colonisation nettement moindre que les récifs en béton (40% de moins) », assure en outre l’Agence.

« Si la colonisation n’a jamais eu lieu, c’est parce que les pneus usagés sont recouverts d’hydrocarbures et que leur décomposition progressive libère dans l’environnement des métaux lourds toxiques pour les organismes marins », explique à l’AFP Jacky Bonnemain, porte-parole de l’association écologiste Robin des Bois.

« Les pneus ne font pas partie du milieu marin! » lance, comme une évidence, Gérard Véron, du laboratoire des ressources halieutiques de l’Ifremer, mentionnant les « produits toxiques » qui en émanent.

‘menace sérieuse’

Les récifs artificiels ont été utilisés de tout temps dans de nombreuses régions du monde, selon l’Organisation maritime internationale (OMI), qui pointait en 2009 ceux créés il y a environ trois mille ans en Méditerranée: les pierres servant à lester les cages à filet utilisées pour la pêche au thon étaient abandonnées et, avec le temps, s’accumulaient et formaient des sites attirant les poissons.

La France a relancé le principe en 1968, notamment sur la façade méditerranéenne, afin d’augmenter la ressource. Pour cela, certains matériaux usagés y ont été recyclés comme des poteaux électriques, des cages d’escalier en béton, des épaves ou plus tard des pneumatiques.

On compte actuellement 90.000 m3 de récifs artificiels au large des côtes de l’Hexagone, selon l’Agence des aires marines.

Le Japon est cependant au premier rang mondial en termes de volumes immergés avec plus de 20 millions de m3, essentiellement dans un objectif halieutique.

Les Etats-Unis arrivent en deuxième position avec plus de 1.000 sites aménagés dans un objectif récréatif cette fois. En Floride, ce sont ainsi près de deux millions de pneus qui ont été immergés au large de Fort Lauderdale en 1972, sur proposition du géant américain du pneumatique Goodyear.

En France, ce sont quelque 350.000 tonnes de pneus usés qui arrivent en fin de vie chaque année, selon des chiffres de 2014 du ministère de l’Ecologie. Leur stockage a posé problème jusqu’à l’organisation d’une filière de recyclage en 2003.

« Goodyear avait dit +ça va être utile aux pêcheurs et à la mer+ », se souvient Jacky Bonnemain. « C’était pour donner à une action volontaire d’abandon de déchets dans l’environnement un verni d’utilité », estime l’écologiste.

Or, en Floride comme ailleurs, suite aux nombreuses tempêtes et ouragans, les pneus ont fini par se défaire de leurs liens et sont venus s’échouer sur les plages tout en endommageant les récifs coralliens environnants. « La menace est sérieuse », indique le département de protection de l’environnement de l’Etat de Floride sur son site internet, dans une présentation de l’opération menée entre 2007 et 2010 pour en retirer une partie, reconnaissant cependant « la complexité » et « l’ampleur du défi ».

sf/hg

quotes:

« The threat is serious » « complexity » and « magnitude of the challenge »

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