Trump dit avoir annulé in extremis des frappes contre l’Iran

Dans une série de tweets matinaux, le président des Etats-Unis a fait le récit détaillé de la soirée de jeudi, donnant un aperçu inédit –et très personnel– de sa prise de décision sur ce dossier aux lourds enjeux militaires et stratégiques.

« Nous étions armés et prêts à riposter la nuit dernière contre trois sites différents quand j’ai demandé combien (de personnes) allaient mourir », a-t-il raconté. « 150 personnes, monsieur, a été la réponse d’un général. 10 minutes avant la frappe, je l’ai stoppée, c’était disproportionné par rapport à une attaque contre un drone ».

Il a par la suite assuré, sur NBC, que les avions américains n’avaient pas décollé quand il a pris sa décision. « Mais ils auraient été dans les airs rapidement (…) et les choses en seraient arrivées à un point où on n’aurait pas pu faire marche arrière ».

Le président Trump a réaffirmé qu’il ne souhaitait pas la guerre avec l’Iran mais que si elle éclatait elle provoquerait « un anéantissement comme on n’en a jamais vu avant ».

En dépit des affirmations répétées des Etats-Unis et de l’Iran selon lesquelles ils ne cherchent pas la guerre, l’escalade et la multiplication des incidents dans la région du Golfe font craindre qu’une étincelle ne mette le feu aux poudres.

Et la destruction d’un drone de l’US Navy par l’Iran a provoqué un nouvel accès de fièvre entre les deux pays ennemis.

C’est dans ce contexte que la Maison Blanche a annoncé vendredi soir que M. Trump avait désigné Mark Esper pour être le nouveau ministre de la Défense, ce qui doit encore être validé par le Sénat. Il a été nommé mardi chef du Pentagone par intérim, rôle assuré par Patrick Shanahan depuis décembre 2018 mais qui s’est désisté pour des raisons familiales.

– « Débris » de drone –

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a fait passer un message « d’urgence » aux Etats-Unis via la Suisse, disant que son pays ne cherchait pas la guerre mais qu’il défendrait « résolument son territoire contre toute agression ».

L’ambassade de Suisse à Téhéran représente les intérêts américains en l’absence de relations diplomatiques entre les deux pays depuis 1980.

« Pour moi, la situation est déjà inquiétante car l’état économique du pays est mauvais, et l’éventualité d’une guerre m’effraie. Mais les Américains ne sont pas partants eux non plus pour une guerre, car nous vivons dans une région particulièrement stratégique », a ainsi jugé Amir, un commerçant interrogé par l’AFP à Téhéran.

La télévision d’Etat iranienne a diffusé des images présentées comme étant celles des « débris » du drone détruit, alignés par terre ou sur des présentoirs.

« Les débris flottants ont été repêchés par les forces navales et transférés comme vous le voyez à Téhéran », a dit à la télévision le général de brigade Amirali Hajizadeh.

Selon ce chef de la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution, armée idéologique du pays, l’Iran a lancé deux avertissements avant d’abattre le drone.

Pour Aaron David Miller, ancien diplomate américain et négociateur dans plusieurs administrations démocrates comme républicaines, la décision « juste » de M. Trump de ne pas lancer de frappes ne fait que repousser le problème, elle ne le résout pas. « Sans de réels efforts pour essayer de mettre de l’ordre dans les relations désastreuses USA-Iran, une escalade militaire n’est qu’une question de temps », a-t-il tweeté.

– Le Congrès donne de la voix –

Face à l’escalade, plusieurs compagnies aériennes comme KLM et Lufthansa ont suivi les compagnies américaines en décidant d’éviter de survoler la mer d’Oman et le détroit d’Ormuz, point de passage stratégique pour l’approvisionnement mondial de pétrole dans la région du Golfe.

A Washington, Nancy Pelosi, chef des démocrates à la Chambre des représentants, s’est dite « soulagée » que Donald Trump ait renoncé à des frappes mais a insisté sur la nécessité pour le président d’avoir l’aval du Congrès avant de lancer une offensive militaire contre l’Iran.

Les tensions ne cessent de monter depuis le retrait américain en mai 2018 de l’accord international sur le nucléaire iranien suivi du rétablissement de lourdes sanctions américaines contre l’Iran, privant ce pays des bénéfices économiques qu’il escomptait de ce pacte.

Elles se sont intensifiées avec de récentes attaques contre des pétroliers dans la région du Golfe, imputées par Washington à Téhéran qui a démenti.

Les Etats-Unis viennent de renforcer davantage leur dispositif militaire au Moyen-Orient alors que de nouvelles frictions sont à prévoir avec l’annonce par l’Iran que ses réserves d’uranium enrichi dépasseraient à partir du 27 juin la limite prévue par l’accord nucléaire.

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