Catherine Chabaud : « Faire entendre la voix de l’océan dans les négociations climatiques »

Quelle est la genèse de ce Tour de France et comment fonctionne-t-il ?  

Le Tour de France des Solutions pour le Climat est né de plusieurs constats et initiatives qui s’inscrivent dans la perspective des négociations climatiques, que la France accueille à la fin de l’année à Paris (COP21 – Paris Climat 2015).  Les 144 États de la planète se réunissent pour décider des objectifs qu’ils se donnent pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, afin de limiter à deux degrés le réchauffement climatique. S’il est à espérer que l’accord final sera suffisamment ambitieux pour répondre au défi qui est posé aux hommes, bon nombre estiment que ce défi relève de la responsabilité de tous et que tout un chacun, du citoyen aux États, peut – doit – apporter sa contribution.  Les territoires du littoral sont parmi les premiers concernés par les impacts liés aux changements climatiques — notamment l’élévation du niveau des océans — et vont devoir mettre en œuvre des solutions d’atténuation et d’adaptation dans un contexte de développement économique et démographique formidable, puisqu’à l’horizon 2050, 80% des habitants de la planète vivront sur la bande littoral.

Avec le Tour de France des Solutions pour le Climat, nous voulons à la fois mobiliser les territoires du littoral et valoriser les solutions mises en œuvre par les acteurs, collectivités territoriales, acteurs économiques et associatifs, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou pour redonner aux écosystèmes terrestres ou marins la santé nécessaire à leur rôle dans l’équilibre du climat. Nous voulons aussi apporter un message positif, qui donne envie à tous de se mobiliser. C’était déjà le sens de ma démarche, quand j’avais réalisé, il y a dix ans, un Tour de France des solutions de mise en œuvre du développement durable. À l’époque, j’avais réalisé une série documentaire télévisée, « Cap sur la Terre », mais j’avais eu bien du mal à me faire entendre. Signe que les choses évoluent.

Ce projet rejoint les objectifs de la Plateforme Océan et Climat dont vous êtes l’ambassadrice…

Ce tour est effectivement né, aussi, de la mobilisation qui anime la Plateforme Océan et Climat, cofondée avec mon association Innovations Bleues, qui a pour objectif de faire entendre la voix de l’océan dans les négociations climatiques. L’océan a beau fournir 50% de l’oxygène de l’atmosphère et absorber un quart de nos émissions de gaz à effet de serre, il est absent des négociations qui évoquent pourtant le rôle des forêts, deuxième poumon de la planète après les océans. La Plateforme Océan et Climat, lancée en juin 2015, réunit aujourd’hui la plupart des acteurs du maritime – chercheurs, associations environnementales, associations d’entreprises du maritime -, et œuvre pour sensibiliser les décideurs, négociateurs et grand public au rôle des océans. Des océans qui sont à la fois touchés par le réchauffement climatique, mais qui sont aussi une partie de la solution.

Membre de la plateforme, Yvan Griboval m’a suggéré ce tour que nous avons lancé avec son OceanoScientific Explorer, un voilier équipé d’un système de collecte de données océanographiques à l’interface entre l’océan et l’atmosphère. Avec l’équipe coordonnée par Jean-Ronan Le Pen, nous sommes partis de Monaco le 1er avril et effectuerons une dizaine d’étapes jusqu’à Dunkerque d’ici la mi-juillet, puis nous remonterons la Seine à l’automne pour aller jusqu’à Paris. A chaque escale, nous rencontrons les élus, les médias, le grand public, et allons à la rencontre des solutions, en réalisant interviews, photos et vidéos. Nous nourrissons notre site www.tourdefrancepourleclimat.com et relayons, au fur et à mesure, ces sujets vers nos médias partenaires.  Les premières escales réalisées en Méditerranée ont été enthousiasmantes. Les acteurs sont touchés que l’on viennent s’intéresser à leurs solutions, qui ont souvent demandé beaucoup d’énergie, de passion, de verrous autant politiques, administratifs que financiers à lever. L’objectif de cette mission est avant tout d’adresser un message positif, optimiste aux citoyens, aux élus, aux entreprises, pour ce qui est des solutions possibles à mettre en œuvre. À chaque escale, je remet un pavillon « Océan et Climat » à des marins engagés, qui seront autant d’ambassadeurs de la démarche de la Plateforme Océan et Climat.

Le Livre bleu rédigé à l’issue ne sera-t-il pas finalement un Livre bleu des solutions « françaises » pour le climat ?

Nous avons choisi de faire escale en France, donc effectivement ce seront des solutions françaises, métropolitaines et, nous l’espérons aussi, ultramarines. Il est possible que nous allions en Polynésie et dans tous les cas, nous voulons mettre la lumière sur la mobilisation des territoires d’outremer, au regard de la dimension maritime de la France, hôte de la COP21.

Qu’attendez-vous justement de la COP 21 en décembre prochain ? Quels engagements minimums doit, selon vous, prendre la communauté internationale pour que cette nouvelle réunion ne soit pas encore, a-t-on envie de dire, un échec ?

En premier lieu, j’attends un message de responsabilité collective et d’envie collective de se mobiliser. Le débat autour des responsabilités historiques me paraît être un frein à l’action. J’attends aussi une mobilisation concomitante de tous les acteurs afin qu’elle dynamise et accompagne celle des Etats, à l’image de la mobilisation des régions du R20 (initiative lancée par Arnold Schwarzenegger de vingt grandes régions du monde), à l’image des accords bilatéraux (par exemple l’accord entre les États-Unis et la Chine), qui ne doivent cependant pas fragiliser le processus onusien.  De tout cela, il est question dans les deux avis que le Conseil Économique Social et Environnemental auquel j’appartiens, vient de voter. Et bien sûr, j’attends que l’on parle des océans et des solutions qu’ils peuvent apporter et que peuvent apporter les acteurs du maritimes.

Ce tour de France est-il l’occasion pour vous de reprendre la barre ou naviguez-vous régulièrement ? 

Même si je navigue encore régulièrement en famille, j’ai beaucoup parlé des océans ces dernières années et peu navigué. La mer me manque et ce tour est pour moi un formidable ballon d’oxygène.  


* Membre du Conseil économique, social et environnemental, ambassadrice de la Plateforme Océan et climat, Présidente de l’association Innovations bleues, Catherine Chabaud, ancienne journaliste, engagée depuis toujours sur les questions environnementales, a également été la première femme à effectuer le tour du monde à la voile en solitaire et sans escales.


En savoir + : www.tourdefrancepourleclimat.com

Source : www.sylviefaucheux.fr

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